Taxi-danseurs en surchauffe
Dans les thés dansants, le nombre de femmes seules est considérable. Pour que chacune ait l’occasion de danser, les organisateurs recrutent des taxi-danseurs, de fringants retraités chargés de les inviter. Un rôle parfois délicat, entre distance et confidences.
Tout le monde a revêtu son plus bel habit et les dames ont chaussé leurs petits souliers dorés, qui glissent juste ce qu’il faut. Lundi de Pâques, à Melun (Seine-et-Marne), près de 350 personnes sont venues danser la valse, le paso doble, la rumba, le boston. Beaucoup sont en couple, mais de nombreuses femmes sont arrivées seules. L’ambiance est excellente et pourtant, il y a un problème : l’une d’elles s’est plaint qu’il n’y ait pas assez de taxi-danseurs. Dominique Pagès, l’organisateur, en est tout bouleversé : il en a embauché deux et a lui aussi accroché le badge « Taxi-danseur » à son costume couleur pêche. Au micro, il tient à mettre les choses au clair : « On n’a pas les moyens de payer vingt taxi-danseurs. Moi, je n’arrête pas ! »Alain et Max, les danseurs engagés par l’association Fleur de Lys Amitié et partage pour inviter les dames qui n’ont pas de cavalier, sont eux aussi en sueur. « On enchaine 5h30 de danse presque non-stop », précise Alain avec le sourire.
« Repérer celles qui ne dansent pas »
Le taxi-danseur, qu’on appelle aussi taxi-boy, est chargé de conduire les dames seules, surreprésentées dans les dancings, thés dansants ou bals pour seniors, de leur table à la piste pour leur offrir une danse. Après des passages à La Chance aux chansons de Pascal Sevran, Alexandre, aujourd’hui retraité, travaille régulièrement au thé dansant de la ferme d’Arvigny, en Seine-et-Marne : « Notre mission est de repérer celles qui ne dansent pas. Chacune doit repartir en ayant été invitée au moins une fois. » Le taxi-danseur, c’est le « plus » d’un événement dansant ; parfois le facteur déterminant. Suzanne, veuve de 74 ans, y prête une attention particulière : « La plupart des hommes étant accompagnés, je ne me rends que dans des endroits où je suis sûre de me faire inviter. A quoi bon, sinon ? »« Cela attire les dames, c’est pour ça que j’en embauche un », admet Lina Duarte, l’organisatrice du dancing de la ferme d’Arvigny. Comme l’orchestre, les biscuits, les bonbons ou une consommation au bar, le taxi-danseur justifie le prix de l’entrée, situé entre 10 et 15 euros.
Il y a deux ans, Philippe Couppey, président du club de danse picard Et bien dansez maintenant !, a recruté une équipe de taxi-boys : « Quand on propose ce service à une mairie ou une association qui souhaite organiser un thé dansant, ça plait énormément. »En avril, lors d’un événement à Villers-Saint-Paul (Oise), le club en a envoyé dix, dont trois femmes : « C’est assez rare, mais cela existe. Des hommes seuls viennent parfois. »
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Texte : Virginie Tauzin
Photographies : Mathieu Génon